Dans le précédent article nous avons considéré le premier texte de la Bible où apparaît le verbe adorer : c’est lorsque Dieu mis Abraham à l’épreuve en lui demandant d’offrir son fils en sacrifice (Ge 22). Ce passage nous enseigne trois aspects de l’adoration : 1) la révélation, 2) la consécration et 3) la dimension individuelle et collective. Ces trois aspects sont admirablement présentés dans un passage de l’épître aux Romains, et qui nous concerne directement, en tant que croyants de la nouvelle alliance. Il est important de l’examiner (12.1-5) :
1 Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable.
2 Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.
3 Par la grâce qui m'a été donnée, je dis à chacun de vous de n'avoir pas de lui–même une trop haute opinion, mais de revêtir des sentiments modestes, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun.
4 Car, comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n’ont pas la même fonction,
5 ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres.
1) La révélation se trouve dans le v.2, quand Paul nous appelle à discerner la volonté de Dieu. Tout d’abord, il nous demande de ne pas être façonnés par la mentalité ambiante (qui rejette même la notion de Dieu), puis d’être changé par une rénovation intérieure de notre intelligence, et cela afin de reconnaître parmi toutes les conceptions qui circulent autour de nous, quelle est l’exacte volonté du Seigneur. Que veut-il réellement de notre part ? Ne tenons pas pour acquis ce que les autres nous disent, mais assurons-nous que cela vient vraiment de Dieu. Pour le faire, nous avons un guide sûr : la Bible (cf. Ac 17.11).
2) La consécration se voit dans le v.1, où Paul nous invite offrir nos corps à Dieu. Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas uniquement de notre corps, mais de ce qu’il représente en tant qu’instrument d’obéissance. Le corps est le véhicule de toute notre vie, car par lui s’exprime notre âme, nos pensées, nos émotions, etc. Rassurez-vous, ce n’est pas un appel au suicide, car ce sacrifice doit être vivant, saint et agréable. Dieu n’appelle personne à être un kamikaze, pour forcer les autres à accepter la foi. Dieu est le dieu de la vie.
Seuls ceux qui savent vivre pour Dieu, sont capables de mourir pour lui, à cause de leur foi, comme le prouve l’histoire des martyrs chrétiens. Cette consécration de notre vie est pour Dieu notre culte raisonnable. Le mot culte se rapporte à l’adoration que nous devons offrir au Seigneur. Le mot raisonnable signifie littéralement « logique ». Cela montre que lorsque nous donnons à Dieu nos vies dans une profonde consécration, en réponse à la compréhension de sa volonté, nous lui offrons l’adoration la plus logique qui soit. Se consacrer à Dieu c’est donc être logique...
3) La double dimension individuelle et communautaire, apparaît dans les v.3-5, quand Paul dépeint l’église comme un corps composé de plusieurs membres. D’un côté, chacun doit servir Dieu en proportion des capacités qu’il a reçues, et d’un autre côté, nous devons nous unir comme un seul corps pour offrir nos dons au Seigneur, selon l’appel qu’il nous a fait. Dans l’église primitive, l’accent est souvent mis sur le fait que tous les chrétiens étaient unis (Ac 2.46-47) :
46 Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur,
47 louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.
Cette attitude de la première église était une réponse aux nombreuses exhortations à adorer Dieu collectivement, et que nous trouvons dans le livre des Psaumes. Lisons quelques-uns de ces textes.
Ps 95.6-7 :
6 Venez, prosternons-nous et humilions-nous, Fléchissons le genou devant l'Eternel, notre créateur !
7 Car il est notre Dieu, Et nous sommes le peuple de son pâturage, Le troupeau que sa main conduit.
Ps 150.1-2 :
1 Louez l'Eternel ! Louez Dieu dans son sanctuaire ! Louez-le dans l'étendue, où éclate sa puissance !
2 Louez-le pour ses hauts faits ! Louez-le selon l'immensité de sa grandeur !
Cependant, n’oublions pas que nous devons avoir des moments où nous sommes seuls dans le lieu secret avec notre Père céleste (cf. Mt 6.6). C’est ce qu’on appelle habituellement le culte personnel. David nous a laissé dans les Psaumes, plusieurs instructions concernant ce temps de dévotion individuelle dans la présence de Dieu, des temps où nous pouvons nous exprimer par le chant et la louange.
Ps 9.1-2 :
1 Je louerai l'Eternel de tout mon cœur, Je raconterai toutes tes merveilles.
2 Je ferai de toi le sujet de ma joie et de mon allégresse, Je chanterai ton nom, Dieu Très-Haut !
Ps 13.5-6 :
5 Moi, j'ai confiance en ta bonté, J'ai de l'allégresse dans le cœur, à cause de ton salut ;
6 Je chante à l’Eternel, car il m’a fait du bien.
Il suffit de lire les Psaumes, et la Bible dans son ensemble, pour être convaincu que Dieu appelle son peuple à l’adorer. Il en fait même une priorité par rapport à tout le reste. C’est la première raison pour laquelle l’adoration est importante. C’est simplement une question d’obéissance. Cependant, cette obéissance ne doit pas nous faire oublier notre deuxième réflexion : la liturgie est-elle synonyme d’adoration ?
Il est possible que notre culte soit accompli avec un sens du devoir irréprochable, mais a-t-il lieu suite à la révélation de la volonté de Dieu ? L’offrons-nous dans une entière consécration de corps et d’esprit au Seigneur ? Et le faisons-nous tant collectivement qu’individuellement, dans la crainte et l’amour de Dieu, afin de lui être agréable ? Alors oui, adorons Dieu par obéissance, parce qu’il le demande clairement dans sa parole, mais ce n’est pas la seule raison, en voici une seconde :
L’adoration procure une profonde satisfaction
Si l’adoration doit prioritairement apporter du plaisir à Dieu, tel un parfum agréable, elle procure également une profonde satisfaction à l’adorateur. Nous allons, pendant quelques instants, revenir sur notre troisième réflexion qui posait la question suivante : l’adoration est-elle une expérience ?
Nous avons montré que l’adoration est prioritairement orientée vers la satisfaction de Dieu, en tant que Maître souverain. Toutefois, nous avons souligné que l’adoration fait aussi appel à nos émotions, car elle est au centre de notre relation avec Dieu, qui est lui-même la source des plus sublimes émotions. Qui dit émotion, dit ressenti ! Et ce ressenti ne peut qu’être agréable, car il provient de notre contact intime avec Dieu.
Disons-le clairement : l’adoration est une fontaine de plaisir, tant pour l’adorateur que pour Dieu. Nous pouvons le formuler de la façon suivante : adorer, c’est prendre plaisir en Dieu ! Un des articles de Foi de l’église d’Angleterre (le petit catéchisme de Westminster) définit ainsi le but de notre vie : « Le but principal de la vie de l'homme est de glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éternel ». Quelle noble ambition, n’est-ce pas ? Et c’est ce à quoi nous conduit l’adoration : trouver en Dieu notre plaisir, notre joie ou bonheur éternel.
Je crois que Dieu nous donne la vie pour que nous la savourions. Jésus a déclaré dans Jn 15.11 : Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Quand la Bible parle de joie, elle se réfère à différentes sources naturelles et légitimes, telles que l’amitié, le couple, le travail, les repas, etc. Mais elle met principalement l’emphase sur la joie que l’on trouve en la personne de Dieu. Nous avons dans les Ecritures plus d’une cinquantaine de références à l’art de se réjouir dans le Seigneur. Citons-en juste trois.
Ps 32.11 : Justes, réjouissez-vous en l’Éternel et soyez dans l’allégresse ! Poussez des cris de joie, vous tous qui êtes droits de cœur !
Ps 97.12 : Justes, réjouissez-vous en l’Éternel Et célébrez son saint nom !
Ph 4.4 : Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous.
C’est Saint Thomas d’Aquin qui a dit que « nous valons ce que valent nos joies », ce qui est une autre façon de déclarer que nous devenons ce en quoi nous plaçons nos principales joies. Si nous nous appliquons à cultiver certaines formes de plaisir, ces dernières nous entraîneront toujours plus vers l’objet de notre affection, et elles nous caractériseront.
Par exemple, celui qui prend plaisir à consommer de l’alcool, en recherchera toujours plus, et exprimera tôt ou tard les particularités d’un ivrogne : il aura la démarche, la façon de parler, le comportement, et l’haleine d’un ivrogne... Cela se verra et se sentira inévitablement. Voici une vérité à méditer : nous ne nous élèverons jamais plus haut que ce que nous chérissons le plus ! Nos affections déterminent notre être, ainsi que l’orientation de notre existence plus que tout.
Pouvons-nous imaginer l’impact sur notre vie, de trouver en Dieu, par l’adoration, notre principal plaisir ? Un impact pour les autres, mais surtout pour nous. Se satisfaire dans le Seigneur en l’adorant, se révèlera une source de nombreuses bénédictions comme l’indiquent les textes suivants :
Ps 4.7 : Tu mets dans mon cœur plus de joie qu'ils n'en ont Quand abondent leur froment et leur moût.
Ps 34.5 : Quand on tourne vers lui les regards, on est rayonnant de joie, Et le visage ne se couvre pas de honte.
1 Ch 16.27 : L’éclat et la magnificence sont devant sa face, la puissance et la joie sont dans sa demeure.
Je veux maintenant attirer notre attention sur un texte d’une importance capitale et qui est parfois mal interprété :
Ps 37.4 : Fais de l’Éternel tes délices, Et il te donnera ce que ton cœur désire.
Beaucoup de croyants ont déduit, après avoir lu ce verset, que s’ils s’attachaient à Dieu, en le servant dans la louange, le jeûne, la lecture de la Bible, et en étant assidus à l’église, ils recevraient ce pour quoi ils avaient prié. Et ils ont persévéré… mais la Mercédès n’est jamais arrivée, la promotion a été donnée à un collègue plus diplômé, la conjointe tant désirée s’est mariée avec un autre, la maison rêvée n’a jamais été construite, et la banque a refusé le prêt demandé, malgré la solidité du dossier…
Alors la désillusion a fait place à l’amertume, et subitement, Dieu n’a plus fait partie des priorités ! Mais ce verset n’est pas une formule magique pour pouvoir obtenir ce que nous convoitons. C’est plutôt une invitation à davantage connaître Dieu, par l’adoration. S’il devient le sujet de notre plaisir, ou de nos délices, nous grandirons dans notre soif – notre désir – de sa personne, et il satisfera, ou comblera le soupir de notre cœur, en se révélant à nous plus intensément.
Dans ce verset, nous trouvons les deux types d’émotions, qui doivent caractériser notre adoration : l’envie et la joie, que nous nommerons, en accord avec ce psaume, « désir et délices ». Nous allons nous concentrer sur ces deux émotions, en examinant tout d’abord comment la Bible s’exprime à leur sujet, puis, en considérant la différence qui existe entre elles. Voici tout d’abord plusieurs textes où nous retrouvons la notion de désir en rapport avec Dieu :
Ps 42.1-2 :
1 Comme une biche soupire après des courants d'eau, Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu !
2 Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : Quand irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?
Afin d’exprimer son désir de la personne et de la présence de Dieu, le psalmiste se compare à une biche qui soupire après des courants d’eau. Pourquoi utilise-t-il une telle image ? Bien sûr que l’eau est indispensable à la survie de toute créature – végétale, animale ou humaine – et c’est tout naturellement que la biche recherche avec acharnement un point d’eau, afin d’étancher sa soif. Mais il y a une autre raison qui pousse cet animal à trouver urgemment ces courants d’eau : c’est afin de pouvoir échapper aux prédateurs qui sont après elle pour la dévorer.
La biche est, comme les autres animaux de son espèce, la proie convoitée des bêtes féroces qui se mettent en chasse de nourriture régulièrement ; et la meilleure façon pour elle de leur échapper, c’est d’éliminer toute trace de son passage, en noyant ses empreintes et son odeur dans l’eau vive d’un ruisseau. La biche est donc consciente que les courants d’eau constituent pour elle une assurance non seulement de vie, mais aussi de survie. Si elle a besoin d’eau pour vivre, elle en a aussi besoin pour survivre à la traque des exterminateurs.
De la même manière, le psalmiste déclare qu’il a soif de Dieu, que son âme soupire après lui, car c’est aussi pour lui une question de vie et de survie. Il est possible que ce Psaume ait été rédigé par les fils de Koré, sur la demande de David, en souvenir de ses années d’errance, lorsqu’il était pourchassé par des adversaires sans pitié. Il devait sa survie à la protection divine. Il avait compris que sa vie n’avait de valeur que grâce à la présence de Dieu. Il témoigne ici de sa totale dépendance de cette communion avec le Seigneur. Dans notre société sophistiquée, avons-nous la même prise de conscience qu’avait David, où pensons-nous pouvoir nous en sortir sans Dieu ?...
Ps 63.1 : O Dieu ! Tu es mon Dieu, je te cherche ; Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi, Dans une terre aride, desséchée, sans eau.
Là encore, le psalmiste témoigne de sa soif spirituelle, et compare son besoin de Dieu à son besoin d’eau dans un désert. Est-il possible que la plus grande faiblesse de l’Eglise aujourd’hui, c’est son manque de soif de Dieu ? L’expérience m’a montré que lorsque cette soif du Seigneur diminue dans mon cœur, c’est un signe de sommeil spirituel, quand bien même je continue de pratiquer ma foi : prier, lire ma Bible, aller à l’église, etc. Quand je n’ai plus soif de la communion avec Dieu, cela signifie que mon cœur est éloigné de lui (cf. Mt 15.8), que je suis devenu indifférent à mon Père Céleste, et que je me satisfais d’une orthodoxie morte…
Je sais que cela peut paraître sévère, mais regardons les choses en face : nous trouvons facilement des produits de substitutions à la communion divine. Je pense aux programmes religieux, aux techniques de bien-être et de développement personnel, aux divertissements mondains, etc. Nous croyons que Dieu est satisfait lorsque nous accomplissons notre petit devoir religieux, sans y impliquer notre cœur. C’est mal le connaître, car en réalité, ce qu’il désire avant tout, c’est notre cœur ! Ne dit-il pas dans Pr 23.26 : Mon fils, donne-moi ton cœur, et que tes yeux se plaisent dans mes voies ? Lui donnez-vous votre cœur chaque jour dans l’amour et l’adoration ?
A bientôt...
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